mardi 15 février 2011

Walid Joumblatt et le TSL : faut-il exclure le chef du Parti Socialiste Progressiste de l'Internationale Socialiste? (Art.1)


A l'heure où un vent de liberté souffle sur les pays arabes, au pays du Cèdre c'est l'inverse qui se produit. Bien que le pays se trouve à quelques semaines de la publication de l'acte d'accusation par le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), Walid Joumblatt, chef du Parti Socialiste Progressiste (PSP), a pris position en faveur du changement de gouvernement qui vient d'avoir lieu. Pour lui il s'agit d'un processus banal de la vie politique libanaise, feignant d'ignorer que ce changement démocratique en trompe-l'œil s'est fait sous la pression des armes du Hezbollah. Joumblatt, comme le parti chiite d'ailleurs, a déclaré clairement qu'il faut cesser de coopérer avec le TSL car non seulement il serait politisé, mais en plus il menacerait la paix civile. Si l'on suit ce raisonnement jusqu'au bout, ce qui en découle est d'une grande gravité.

1. Nul besoin d'expert en droit international pour savoir qu'espérer une annulation du TSL serait une gageure. C'est toute la crédibilité de l'ONU, du Conseil de sécurité, des pays occidentaux et de la Justice internationale qui sera remise en cause.

2. Le TSL a été créé par le Conseil de sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations-Unies (Résolution 1757). Cesser de coopérer, non seulement ne l'arrêtera pas mais en plus, il exposerait le Liban à des sanctions.

3. Prétendre que le TSL est politisé, revient à douter de la Justice internationale et cela suppose non seulement que les dirigeants occidentaux auraient la volonté et la capacité d'influencer les juges et les enquêteurs, mais aussi que ces derniers ainsi que toute l'équipe du TSL accepteraient l'ingérence des politiciens. Une telle équation est à la limite de la médisance pour les hommes politiques occidentaux et pour toute l'équipe du TSL.

4. Prétendre que le TSL menace la paix civile est un point révoltant car il présente le problème à l'envers.
- Ce qui a menacé la paix civile, c'est d'abord d'avoir assassiner Rafiq Hariri une des grandes personnalités de l'histoire contemporaine du Liban pour des raisons politiques.
- Ce qui a menacé aussi cette paix civile ce sont ensuite les assassinats commis entre 2004 et 2008, de l'écrivain-journaliste Samir Kassir, de l'ancien secrétaire du Parti communiste Georges Haoui, du député-journaliste Gibran Tuéni, du ministre-député Pierre Gemayel, des députés Walid Eido et Antoine Ghanem, du général François Hajj et du lieutenant Wissam Eid; ainsi que les tentatives d'assassinats du membre du PSP Marwan Hamadé, du ministre Elias Murr et de la journaliste May Chidiac. Ces personnalités font partie de l'alliance dite du "14 mars", elles étaient toutes contre le régime syrien, la majorité contre le Hezbollah aussi.
- Ce qui a menacé la paix civile et la menace toujours, c'est l'épée de Damoclès que représentent les manœuvres d'intimidation du parti islamiste de laisser entendre qu'il pourrait recourir à un nouveau 7 mai en cas de besoin.
- Enfin, ce qui menace réellement la paix civile c'est d'accepter devant ce "nettoyage politique" planifié, de remplacer la justice par l'impunité!

Ce positionnement de Walid Joumblatt apparaît en contradiction avec les valeurs socialistes affirmées dans la Charte éthique de l'Internationale Socialiste (IS). 
Etant membre de cette organisation, Walid Joumblatt s'engage d'après la charte d'une part, "à défendre un système judiciaire impartial et indépendant fondé sur le droit", et d'autre part "à rejeter et à s’opposer résolument à toute dérive autoritariste et à tout système politique qui tolère ou pratique la violation des droits de la personne humaine pour conquérir ou asseoir son pouvoir, tels que les assassinats politiques, la torture…".

Or aujourd'hui on ne peut que s'interroger longuement sur les déclarations et les positions politiques de Walid Joumblatt.
- Que justice soit faite est-elle une valeur socialiste?
- Faut-il obtenir la coopération de l'accusé avant de le poursuivre en justice?
- Céder aux menaces du Hezbollah d'occuper Beyrouth, fait-il partie du processus démocratique?
- Est-ce que Walid Bey (titre officiel) peut-il expliquer vers quelle justice le peuple libanais doit-il se retourner concernant les assassinats et les tentatives d'assassinats de 12 personnalités libanaises, dont une franco-libanaise (Samir Kassir), pour des raisons politiques: la justice syrienne, dirigée par le régime de Bachar  Al-Assad, qui poursuit plus d'une trentaine de personnalités libanaises actuellement par une tentative désespérée de faire contrepoids au TSL ou la justice libanaise, qui est toujours en convalescence après 29 ans d'occupation syrienne, et qui n'a jamais été capable de poursuivre sérieusement les assassins du chef du PSP Kamal Joumblatt (1977), du président de la République Bachir Gemayel (1982), du mufti Hassan Khaled (1989), du président de la République René Mouawad (1989) et de tant d'autres?
- Est-ce que le Liban respectera les résolutions de l'ONU ou va-t-il décider de se mettre au ban de la communauté internationale, s'alignant sur les positions de la Syrie et de l'Iran?
- Pour mesurer la gravité de la position de Joumblatt, peut-on imaginer une seconde le PS français ou serbe contre le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, arguant que celui-ci est politisé et menace la paix civile dans les pays de l'ex-Yougoslavie? Inconcevable!

Ainsi, je me demandais avec des amis, s'il ne serait pas souhaitable de dépêcher un émissaire de la part de l'IS auprès de Walid Joumblatt, pour que ce dernier apporte des réponses claires aux interrogations d'un grand nombre de socialistes libanais et français!