Arrivée de Sithrida Geagea au Parlement Vote de la loi électorale (16 juin 2017) |
Comme
c'est dimanche, le jour du Seigneur pour les uns, la 23e journée de
jeûne du mois de Ramadan pour les autres et le rendez-vous barbecue habituel pour les carnivores athées, alors j'opte pour l'anecdote politique concernant l'une des tares majeures de la nouvelle loi, l'absence de
quota féminin. J'en parlerai en détail dans mon prochain article, mais
juste une réflexion dominicale qui joint l'utile à l'amusant.
Actuellement, nous avons quatre députées, smallah. Bahia Hariri, Nayla Tuéni, Gilberte
Zouein et Sethrida Geagea se rendent place de l'Etoile depuis
2009 au moins. Alors Bakhos me demande, tiens, toi el-Baalbaki, qui suis l'actualité
libanaise de près, qu'est-ce que tu retiens des deux mandats
de ces quatre dames et de leurs huit années passées au pouvoir législative ? Pas mal l'idée, hein? Alors, tour d'horizon.
*
Bahia
Hariri vient du Courant du Futur. Peu de gens le savent, mais
elle est députée depuis 1992, comme Nabih Berri et Mohammad Raad.
De vrais piliers du Parlement libanais. Je me souviens encore de son discours
déplacé place des Martyrs le jour qui a façonné l'histoire
contemporaine du Liban, le 14 mars 2005. Un mois seulement après
l'assassinat de son frère, Rafic Hariri, une des plus influentes personnalités libanaises depuis l'indépendance, elle a tenu à affirmer, devant peut-être un million de Libanais, qu'elle sera aux
côtés de la Syrie jusqu'à la libération du Golan, sans préciser
si ça sera avec le lapin de Damas ou pas, et à rendre hommage au
Hezbollah, ah si, vous pouvez le vérifier ! Il fallait oser, alors que la rue libanaise
bouillonnait de rage. Bahia Hariri n'apparait pratiquement jamais dans les
médias, quelques images dans le JT tout au plus. Il n'empêche
qu'elle reçoit beaucoup ses électeurs et électrices de Saïda et elle est
impliquée dans diverses activités sociales, caritatives et
humanitaires. Elle fut même nommée ambassadrice de bonne volonté de
l'Unesco. Certains voyaient en elle une Première ministre de la trempe d'Indira Gandhi. Son mandat est marqué par un événement et non des
moindres. Après la prorogation du mandat des parlementaires, elle a décidé le 1er septembre 2013, de rendre l'argent qu'elle avait reçu du peuple libanais en tant que députée. Avouez que ce n'est pas rien. Personne
ne l'a suivi, des députés, sans que personne ne soit étonné, des
citoyens. Certes, elle avait les moyens. Les autres aussi. Elle est la tante de Saad Hariri et la mère de Nader et d'Ahmad Hariri, respectivement directeur de
cabinet du Premier ministre libanais et secrétaire
général du Courant du Futur. C'est pour dire, le pouvoir qu'elle détient est considérable. Et pourtant, une chose est sûre, le quota féminin
n'est pas vraiment sa tasse de thé.
Nayla
Tuéni est une journaliste avant d'être une femme politique. Elle
est issue d'une famille d'intellectuels qui a marqué l'histoire du Liban, en créant et en dirigeant l'un des plus importants quotidiens
libanais de langue arabe, al-Nahar. Arrière-grand-père, grand-père
et père, Gebrane Tuéni, un des artisans de la Révolution du Cèdre,
assassiné en 2005. Elle se présente comme une femme laïque, ce qui
n'est pas rien au Liban. Chrétienne orthodoxe, elle a épousé un
compatriote de confession musulmane chiite à Chypre, lors d'un
mariage civil, ce qui n'est pas rien non plus au Moyen-Orient. Elle
est élue à Achrafieh en 2009, en partie grâce au capital de
sympathie des Beyrouthins pour sa famille, notamment pour son père. Mais pas seulement. Lors de
sa campagne électorale, elle avait promis aux électeurs de ce fief
des Forces libanaises, de rejoindre le groupe parlementaire de ce parti.
Sauf que les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Aussitôt élue, elle trahit ses électeurs. Depuis
qu'elle a accédé au pouvoir, Nayal Tuéni brille par son invisibilité.
Silence, ça pousse. Certains diraient qu'elle est ex-aequo avec Okab
Sakr et tant d'autres. Oui mais, s'il faut compter sur les hommes
pour instaurer un quota féminin de leur propre initiative, c'est décider de prendre des vessies pour des lanternes et d'attendre que les poules
aient des dents. D'ailleurs, au Moyen-Age, les lanternes étaient
fabriquées avec des vessies de porcs mâles. Là aussi, une chose
est sûre, le quota féminin n'empêche pas Nayla Tuéni de dormir
sur ses deux oreilles.
Gilberte
Zouein est un cas d'école. Tout le monde connait son nom,
certains connaissent même son visage, mais personne n'a jamais
entendu le timbre de sa voix. Son fait d'armes, c'est d'avoir réussi
malgré cet handicape à devenir députée, sachant qu'elle est la seule des
quatre femmes parlementaires à ne pas être « sœur de », « fille
de » et « femme de ». Son exploit, elle le doit à
sa formation, diplômée en Sciences politiques (eh, oui!) mais aussi à sa
généalogie. Hé, ho, on est au Liban quand même. La famille Zouein
a toujours représenté la région du Kesrouan depuis la formation de l'Etat du Grand Liban. Après deux tentatives foireuses, c'est grâce au général
Aoun qu'elle parvient à reprendre le flambeau familial en 2005. Je
l'ai rappelé à plusieurs reprises dans mes articles, mais c'est
comme si j'avais pissé dans un violon. Gilberte Zouein est
actuellement, et depuis des années svp, la présidente de la Commission
parlementaire de la Femme. Je le jure ! Il fallait y penser. Qu'a-t-elle fait pour
imposer le quota féminin au Liban? Rien, même pas une grève de la
faim. Pourtant, elle ne pouvait que trouver son compte. Dommage.
Visite du général Aoun (avril 2014) |
Messe de Pâques (avril 2015) |
Départ de Sethrida Geagea du Parlement Vote de la loi électorale (16 juin 2017) |
*
Enfin,
parlons peu, parlons bien. L'absence de quota féminin dans une loi
électorale qui se veut moderne est une honte pour le Liban. J'y
reviendrai en détail dans mon prochaine article. J'ai souhaité dans
cette note, en préambule, faire sourire et dégager une réflexion
sur cette question. Il n'y a pas que les hommes qui empêchent les
femmes d'accéder au pouvoir. Les femmes politiques libanaises qui sont déjà
au pouvoir brillent par leur mollesse dans la lutte pour une plus
grande représentation du « beau sexe » au Parlement et
au Conseil des ministres. A l'aube des nouvelles élections
législatives, ces quatre députées, encore plus que leurs 121
collègues hommes, doivent être questionnées à ce sujet. Qu'est-ce
qu'elles ont fait de concret pour cela, à part se plaindre du manque de femmes dans la vie politique, palabrer sur la question et
regretter l'absence de quota féminin dans la nouvelle loi électorale
? En somme, qu'est-ce qu'elles ont fait de plus que les hommes politiques dans ce domaine ? Hélas, pas grand-chose de marquant, encore moins d'efficace.