[Version "politiquement correct" de l'article "Nicolas Sehnaoui: la montagne qui accouche d'une souris!" publié dans L'Orient-Le Jour le 21 octobre 2011]
vendredi 21 octobre 2011
dimanche 16 octobre 2011
Nicolas Sehnaoui : la montagne qui accouche d'une souris ! (Art.40)
Cela fait des mois qu'on nous rabâche les oreilles qu'ils vont enfin sortir le Liban de son tiers-mondisme numérique et téléphonique. "Ils" ce sont les 8marsiens du gouvernement hezbollahi, représenté par le très jeune ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui. Soyez-en assurés, j'ai rien contre ce "jeune" ministre, j'en veux plus à son populisme trompeur,
qui est lié peut être à sa jeunesse, à son inexpérience, à son
appartenance politique au courant aouniste, à son désir de prendre sa
revanche aux prochaines élections législatives à Achrafieh ou aux 4 à la
fois! "Nous" c'est ce "cha3b maghloub 3ala amro" à qui on promet monts
et merveilles, et qui se réveille toujours dans les ravins des
politiciens-démagogues et les gouffres financiers!
Aujourd'hui il est donc question de l'internet fixe et mobile. Alors état des lieux.
Commençons par l'internet mobile, la fameuse 3G, abréviation de "troisième génération". Celle-ci désigne une génération de normes de téléphonie mobile permettant des débits plus rapides qu'avec la génération précédente, le GSM (2G). Les applications sont nombreuses: internet mobile (sur un cellulaire ou un ordinateur portable), le visionnage de vidéos ou d'émission TV et la vidéoconférence.
L'énoncé est incontestablement très alléchant... sur le plan théorique. Car comme à l'accoutumée dans notre pays, on déchante à l'examen de la réalité. Alors que le monde passe progressivement à la 4G, Nicolas Sehnaoui nous fourgue la 3G ! Et oui, une marchandise périmée ou en cours de l'être! En effet, les pays scandinaves bénéficient de la 4G depuis 2009. Les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon depuis 2010. L'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont passés à la 4G au cours de cette année. Et même les 5,4 millions d'Ouzbékistanais y auront droit prochainement! Cette génération offre des débits théoriques de 100 Mbps (si mobilité importante) jusqu'à 1000 Mbps (si mobilité faible ou nulle, piéton ou immobile), soit 5 à 50 fois plus rapide que ce que Nicolas Sehnaoui prévoit!
Mais ne soyons pas aussi négatifs, oublions un instant la 4G. Pour mesurer notre retard, il faut savoir que la 3G est en vigueur depuis 2004 en Afrique du Sud et l'île Maurice, 2006 au Maroc, 2007 au Kenya, 2008 au Pakistan, en Inde, en Corée du Nord et aux Philippines, 2009 en Turquie et en Chine. Et ce que notre cher ministre n'ose pas vous dire c'est que 80% de l'Europe était couverte par la 3G à la fin de l'année 2005, il y a déjà 6 ans! Idem pour l'Amérique du Nord et les autres pays occidentaux. Et même quand on se compare à nos voisins que nous snobons, surprise : la 3G a été lancée en Iraq en 2007 et en Syrie en 2010!
On aurait bien aimé que ça soit tout mais hélas ce n'est pas le cas. Alors que le ministre annonce des débits théoriques allant jusqu'à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbps et 2 Mbps. Sachant qu'on est à 4000 utilisateurs seulement, je vous laisse imaginer la descente vertigineuse de ces chiffres quand on atteindra 100 000, 250 000 ou 500 000 utilisateurs! Enfin, dernière info sur ce dossier, le prix de ce service. Etant donné que le consommateur libanais est considéré comme une vache à lait par les opérateurs télécoms depuis une quinzaine d'années, il faut s'attendre au pire. Pourtant un tel service est assuré pour une modique somme comprise entre 9 et 12 $ TTC/mois (6 à 9 €) en France et entre 12 et 24 $/mois au Maroc!
Voilà pour la 3G. Qu'en est-il maintenant de l'internet fixe? Passons d'abord sur un 1er fait: le jeune ministre a évité soigneusement de préciser que le dit progrès n'a pas pu voir le jour que grâce à l'initiative de Marwan Hamadé quand il était au ministère des Télécoms. Passons ensuite sur un 2e fait: le prédécesseur de Nicolas Sehnaoui, Charbel Nahas, qui est de la même couleur politique, ne s'est pas pressé pour faire bénéficier les libanais de l'internet rapide sous le gouvernement Hariri, alors que le câble de fibre optique transcontinental IMEWE –grâce auquel l'amélioration de l'internet au Liban a été rendue possible- est opérationnel depuis fin 2010! Passons enfin sur un 3e fait: les libanais ne pourront pas bénéficier pleinement de la puissance du câble IMEWE avant l’accomplissement du réseau national de fibre optique et croyez-moi ce n'est pas demain la veille!
Bref, alors que nous avions la pire connexion au monde, voyons donc où nous en sommes aujourd'hui. Un coup d'œil chez IDM, le plus important fournisseur d'accès internet au Liban, montre que la baisse des prix de 80% ne concerne en réalité que ceux qui avait déjà le Plan 4 (1024 Kbps) et qui payaient 70$ HT, inutile de préciser que c'était une minorité de gens; aujourd'hui ils ne payeront que 19 $ (une baisse de 73% pour être précis). Mais pour la majorité des gens, qui avaient les plans 1 (128 Kbps) et 2 (256 Kbps), qui payaient respectivement 19 $ et 23 $, cette baisse n'est en réalité que 0% (-0$/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 1) et 18 % (-4$/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 2). Certes c'est mieux que rien mais on est loin des 80% annoncés fièrement par le jeune Nicolas.
Mais encore une fois, on ne se rend pas compte de notre retard qu'en comparant le Liban à des pays développés. L'offre internet en France –qui est loin d'être le pays occidental le mieux branché- est d'une grande simplicité: aucun saucissonnage! Avec la société Orange, le plus important fournisseur d'accès internet en France, et pour 30 à 40 €/mois -soit 40 à 52 $/mois, qui ne représente en réalité que 2,8 à 3,7 % du salaire minimum mensuel français- le résident de France et de Navarre a une connexion internet ADSL dont le débit peut aller jusqu'à 20 Mbps ou une connexion fibre optique dont le débit atteint 100 Mbps, un download/upload illimité 24h/24, le téléphone fixe illimité vers les numéros fixes et les cellulaires en France, vers les fixes d'une centaine de destination internationale (tous les pays d'Europe, Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, …) et vers les cellulaires de certains pays (Etats-Unis, Canada). A cela, il faut rajouter la possibilité de bénéficier d'une centaine de chaines de TV! C'est tout simplement, énorme.
En revanche, la meilleure offre au Liban à ce jour ne permet pas d'aller au-delà des 8 Mbps. Elle est facturée, tenez-vous bien, 121 $ TTC/mois (soit 89 €/mois), ce qui représente 26% du salaire minimum libanais (en dépit de la récente hausse), avec un download limité à 30 GB par mois, pas de communications nationales et internationales incluses, pas de cellulaire et aucune chaine TV numérique non plus. Enorme aussi, mais pour d'autres raisons!
Certains diront mais enfin comparons des pays comparables! Soit, allons donc faire un tour au Maroc. Et bien figurez-vous qu'à l'extrême Maghreb, une connexion à 8 Mbps est facturée 24 $/mois (soit 8,5% du salaire minimum marocain). Eh oui! En d'autres termes, nous payons 100 $/mois de plus au Liban pour la même vitesse de connexion! Et ce n'est pas tout, car alors qu'au pays du Cèdre 8 Mbps est le plafond que nous ne pouvons pas dépasser pour l'instant, au Maghreb on peut surfer à 20 Mbps pour seulement 60 $ TTC/mois!
Finalement, avec ce rapide tour d'horizon hors de nos frontières on s'aperçoit que l'ambitieux Sehnaoui n'a accouché que d'une souris. Le Liban demeure un pays du tiers-monde dans la téléphonie et l'internet. Et comment! Pour 1 misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, nous déboursons 28 $/mois, sachant que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 $/mois!
Certes, ce n'est pas entièrement de la faute de notre jeune ministre des Télécoms. Mais ces chiffres montrent qu'il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser. Nicolas Sehnaoui ferait donc mieux de conserver un profil bas. Il devrait profiter du temps qu'il lui reste à ce poste ministériel et se mettre effectivement au travail –dans l'intérêt du peuple comme il dit- pour nous placer au moins au niveau du standard marocain, au lieu d'être obsédé par cette hypothétique revanche électorale à Achrafieh en 2013, qui le pousse pour l'instant vers un populisme stérile à 5 piastres!
[Article publié le 18 octobre 2011 sur Middle East Transparent]
http://www.metransparent.com/spip.php?page=article&id_article=16540&lang=fr
Aujourd'hui il est donc question de l'internet fixe et mobile. Alors état des lieux.
Commençons par l'internet mobile, la fameuse 3G, abréviation de "troisième génération". Celle-ci désigne une génération de normes de téléphonie mobile permettant des débits plus rapides qu'avec la génération précédente, le GSM (2G). Les applications sont nombreuses: internet mobile (sur un cellulaire ou un ordinateur portable), le visionnage de vidéos ou d'émission TV et la vidéoconférence.
L'énoncé est incontestablement très alléchant... sur le plan théorique. Car comme à l'accoutumée dans notre pays, on déchante à l'examen de la réalité. Alors que le monde passe progressivement à la 4G, Nicolas Sehnaoui nous fourgue la 3G ! Et oui, une marchandise périmée ou en cours de l'être! En effet, les pays scandinaves bénéficient de la 4G depuis 2009. Les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon depuis 2010. L'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont passés à la 4G au cours de cette année. Et même les 5,4 millions d'Ouzbékistanais y auront droit prochainement! Cette génération offre des débits théoriques de 100 Mbps (si mobilité importante) jusqu'à 1000 Mbps (si mobilité faible ou nulle, piéton ou immobile), soit 5 à 50 fois plus rapide que ce que Nicolas Sehnaoui prévoit!
Mais ne soyons pas aussi négatifs, oublions un instant la 4G. Pour mesurer notre retard, il faut savoir que la 3G est en vigueur depuis 2004 en Afrique du Sud et l'île Maurice, 2006 au Maroc, 2007 au Kenya, 2008 au Pakistan, en Inde, en Corée du Nord et aux Philippines, 2009 en Turquie et en Chine. Et ce que notre cher ministre n'ose pas vous dire c'est que 80% de l'Europe était couverte par la 3G à la fin de l'année 2005, il y a déjà 6 ans! Idem pour l'Amérique du Nord et les autres pays occidentaux. Et même quand on se compare à nos voisins que nous snobons, surprise : la 3G a été lancée en Iraq en 2007 et en Syrie en 2010!
On aurait bien aimé que ça soit tout mais hélas ce n'est pas le cas. Alors que le ministre annonce des débits théoriques allant jusqu'à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbps et 2 Mbps. Sachant qu'on est à 4000 utilisateurs seulement, je vous laisse imaginer la descente vertigineuse de ces chiffres quand on atteindra 100 000, 250 000 ou 500 000 utilisateurs! Enfin, dernière info sur ce dossier, le prix de ce service. Etant donné que le consommateur libanais est considéré comme une vache à lait par les opérateurs télécoms depuis une quinzaine d'années, il faut s'attendre au pire. Pourtant un tel service est assuré pour une modique somme comprise entre 9 et 12 $ TTC/mois (6 à 9 €) en France et entre 12 et 24 $/mois au Maroc!
Voilà pour la 3G. Qu'en est-il maintenant de l'internet fixe? Passons d'abord sur un 1er fait: le jeune ministre a évité soigneusement de préciser que le dit progrès n'a pas pu voir le jour que grâce à l'initiative de Marwan Hamadé quand il était au ministère des Télécoms. Passons ensuite sur un 2e fait: le prédécesseur de Nicolas Sehnaoui, Charbel Nahas, qui est de la même couleur politique, ne s'est pas pressé pour faire bénéficier les libanais de l'internet rapide sous le gouvernement Hariri, alors que le câble de fibre optique transcontinental IMEWE –grâce auquel l'amélioration de l'internet au Liban a été rendue possible- est opérationnel depuis fin 2010! Passons enfin sur un 3e fait: les libanais ne pourront pas bénéficier pleinement de la puissance du câble IMEWE avant l’accomplissement du réseau national de fibre optique et croyez-moi ce n'est pas demain la veille!
Bref, alors que nous avions la pire connexion au monde, voyons donc où nous en sommes aujourd'hui. Un coup d'œil chez IDM, le plus important fournisseur d'accès internet au Liban, montre que la baisse des prix de 80% ne concerne en réalité que ceux qui avait déjà le Plan 4 (1024 Kbps) et qui payaient 70$ HT, inutile de préciser que c'était une minorité de gens; aujourd'hui ils ne payeront que 19 $ (une baisse de 73% pour être précis). Mais pour la majorité des gens, qui avaient les plans 1 (128 Kbps) et 2 (256 Kbps), qui payaient respectivement 19 $ et 23 $, cette baisse n'est en réalité que 0% (-0$/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 1) et 18 % (-4$/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 2). Certes c'est mieux que rien mais on est loin des 80% annoncés fièrement par le jeune Nicolas.
Mais encore une fois, on ne se rend pas compte de notre retard qu'en comparant le Liban à des pays développés. L'offre internet en France –qui est loin d'être le pays occidental le mieux branché- est d'une grande simplicité: aucun saucissonnage! Avec la société Orange, le plus important fournisseur d'accès internet en France, et pour 30 à 40 €/mois -soit 40 à 52 $/mois, qui ne représente en réalité que 2,8 à 3,7 % du salaire minimum mensuel français- le résident de France et de Navarre a une connexion internet ADSL dont le débit peut aller jusqu'à 20 Mbps ou une connexion fibre optique dont le débit atteint 100 Mbps, un download/upload illimité 24h/24, le téléphone fixe illimité vers les numéros fixes et les cellulaires en France, vers les fixes d'une centaine de destination internationale (tous les pays d'Europe, Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, …) et vers les cellulaires de certains pays (Etats-Unis, Canada). A cela, il faut rajouter la possibilité de bénéficier d'une centaine de chaines de TV! C'est tout simplement, énorme.
En revanche, la meilleure offre au Liban à ce jour ne permet pas d'aller au-delà des 8 Mbps. Elle est facturée, tenez-vous bien, 121 $ TTC/mois (soit 89 €/mois), ce qui représente 26% du salaire minimum libanais (en dépit de la récente hausse), avec un download limité à 30 GB par mois, pas de communications nationales et internationales incluses, pas de cellulaire et aucune chaine TV numérique non plus. Enorme aussi, mais pour d'autres raisons!
Certains diront mais enfin comparons des pays comparables! Soit, allons donc faire un tour au Maroc. Et bien figurez-vous qu'à l'extrême Maghreb, une connexion à 8 Mbps est facturée 24 $/mois (soit 8,5% du salaire minimum marocain). Eh oui! En d'autres termes, nous payons 100 $/mois de plus au Liban pour la même vitesse de connexion! Et ce n'est pas tout, car alors qu'au pays du Cèdre 8 Mbps est le plafond que nous ne pouvons pas dépasser pour l'instant, au Maghreb on peut surfer à 20 Mbps pour seulement 60 $ TTC/mois!
Finalement, avec ce rapide tour d'horizon hors de nos frontières on s'aperçoit que l'ambitieux Sehnaoui n'a accouché que d'une souris. Le Liban demeure un pays du tiers-monde dans la téléphonie et l'internet. Et comment! Pour 1 misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, nous déboursons 28 $/mois, sachant que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 $/mois!
Certes, ce n'est pas entièrement de la faute de notre jeune ministre des Télécoms. Mais ces chiffres montrent qu'il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser. Nicolas Sehnaoui ferait donc mieux de conserver un profil bas. Il devrait profiter du temps qu'il lui reste à ce poste ministériel et se mettre effectivement au travail –dans l'intérêt du peuple comme il dit- pour nous placer au moins au niveau du standard marocain, au lieu d'être obsédé par cette hypothétique revanche électorale à Achrafieh en 2013, qui le pousse pour l'instant vers un populisme stérile à 5 piastres!
[Article publié le 18 octobre 2011 sur Middle East Transparent]
http://www.metransparent.com/spip.php?page=article&id_article=16540&lang=fr
Libellés :
3G,
4G,
France,
gouvernement Mikati,
internet,
Liban,
Maroc,
Nicolas Sehnaoui,
télécommunications,
téléphone