
Ghazi Aad est le fondateur de SOLIDE. Oui Solide, mais pas au sens ferme,
résistant, durable, vigoureux, sérieux ou substantiel. Certes, l'homme méritait tous ces adjectifs. Mais, SOLIDE est l'acronyme de l'ONG
« Soutien aux Libanais en détention et en exil ».
Disons d'emblée qu'il n'est pas difficile de comprendre que cette
appellation renvoie à des compatriotes qui sont encore en vie et non
considérés comme morts. Autre remarque intéressante, plus
difficile à comprendre par les adeptes de larmes de crocodile,
l'acronyme renvoie aujourd'hui, qu'on le veuille ou pas et n'en
déplaise à certains, aux Libanais placés « en détention »
en Syrie, dans les geôles du régime de Bachar el-Assad et aux
Libanais partis « en exil » en Israël, après le
retrait de l'armée israélienne du Sud-Liban. Les premiers, qui sont
des opposants à la Syrie, ont été kidnappés et jetés en prison
durant la période d'occupation syrienne du Liban (1976-2005). On y trouve des compatriotes musulmans sunnites et des chrétiens. Les
seconds, qui ont collaboré avec l'Etat hébreux durant la période
d'occupation israélienne (1978-2000), ont fui vers Israël, pour
échapper à la vindicte du Hezbollah. On y trouve des compatriotes musulmans chiites et des chrétiens.

A
décharge des leaders libanais, il faut reconnaître tout de même
qu'il n'est pas aisé d'ouvrir un chapitre aussi douloureux de la
guerre civile libanaise. Je l'ai fait une fois. C'était à travers
un article sur « ammo Joseph », le catalyseur du « Samedi
noir ». Mal m'a pris, comme le prouve un résumé du débat passionné qui s'est déroulé sur mon mur. L'amnésie est la
panacée d'une frange de nos chers leaders et compatriotes.
Il
faut aussi reconnaître avec tristesse et colère, qu'on se doute
bien du sort des Libanais victimes de ces sinistres « disparitions
forcées », provoquées en grande partie par les milices
libanaises (toutes appartenances communautaires confondues, aussi
bien chrétiennes que musulmanes), et les forces d'occupation
étrangère, palestiniennes, syriennes et israéliennes : ils ont
pratiquement tous été exécutés sommairement, avec ou sans actes
de tortures au préalable. Le seul cas de disparition forcée contemporaine est
celle de Joseph Sader. Alors qu'il se rendait à son travail à
l'aéroport Rafic Hariri, en février 2009, l'ingénieur de la Middle
East Airlines est sorti du radar de l'Etat libanais dans une zone de
sécurité étroitement contrôlée par la milice du Hezbollah. Et
depuis, la vie continue comme si de rien n'était.
L'histoire
des Libanais réfugiés en Israël, qui n'osent pas revenir au Liban,
par crainte d'être poursuivis pour collaboration avec l'ennemi par
le même Etat libanais qui ne fait pas grand-chose pour les détenus
libanais en Syrie, est certes touchante. Mais, elle n'a rien de
dramatique, comparé au cas de ceux qui ont été tués parce qu'ils
étaient soit des civils musulmans ou chrétiens, soit des miliciens
de telle ou telle faction, et qu'ils avaient la malchance de se
trouver à tel ou tel endroit.
Il
reste le cas le plus odieux, celui des Libanais détenus dans les
geôles en Syrie. Il y en aurait quelques centaines. On ne se fait
pas d'illusions, certains sont probablement morts depuis longtemps.
Mais, des informations solides justement, attestent que plusieurs
d'entre eux seraient encore en vie. En tout cas, le cas des Libanais
torturés, exécutés, disparus ou emprisonnés en Syrie et par la
Syrie, est au centre du combat de SOLIDE et de Ghazi Aad, un point
plutôt gênant pour certains compatriotes et personnalités
politiques, éplorés par la mort du fondateur de l'ONG, mais qui se
montrent assez bienveillants avec le régime de Bachar el-Assad. « Le
travail de SOLIDE est de mettre en évidence ces violations en
général, celles de l'armée syrienne en particulier. »
SOLIDE a même voulu allé beaucoup plus loin. C'est dans ce cadre
qu'elle a créé le projet SOAL, le 26 avril 2012, au 7e anniversaire
du retrait des troupes d'occupation syrienne du Liban. C'est pour
vous dire !
Soal
est l'acronyme de « Syrian Occupation Archives in Lebanon ». Ce projet ambitieux, qui était co-dirigé
par l'activiste Ghazi Aad et une universitaire, Roschanack Shaery,
prévoit la création d'un musée, d'une bibliothèque, d'un réseau
universitaire, des bourses d'études, des conférences, des
publications et des bases de données, avec comme principal objectif,
« produire des connaissances sur l'occupation syrienne et
ses conséquences au Liban ». SOLIDE
envisageait même « d'établir un dialogue avec les
institutions traitant de l'occupation israélienne du Liban et
discuter des similitudes et des différences entre ces deux types
d'occupation ». De quoi
enrager beaucoup de monde au Liban, alliés déclarés ou tacites du
régime de Damas.
Toujours
est-il que d'après ce qui précède, il est clair qu'on ne peut pas
pleurer et regretter sincèrement la disparition de Ghazi Aad et
avoir la moindre sympathie pour les Assad, père et fils, et montrer
la moindre indulgence à l'égard de cette tyrannie responsable de l'occupation syrienne du Liban pendant 29 ans et de
ses désastreuses conséquences, dont les « disparitions
forcées », nonobstant les crimes contre l'humanité qu'elle commet en Syrie depuis près de 6 ans.
L'ancien président de la République libanaise, ancien commandant de l'armée libanaise, le général Michel Sleiman, avait promis lors de son discours d'investiture de « travailler dur pour libérer les prisonniers et détenus, et révéler le sort des personnes disparues » en Syrie. En vain. L'actuel président de la République libanaise, ancien commandant de l'armée libanaise et ancien chef du Courant patriotique libre (CPL), le général Michel Aoun, a fait savoir que « (Malgré sa disparition physique) Ghazi Aad restera présent dans sa défense des droits de tout être humain et dans sa lutte pour chaque personne disparue et absente ». Soit. Parmi ces disparus et ces absents, figurent entre autres, des soldats de l'armée libanaise qui ont fait face à l'invasion syrienne du 13 octobre 1990 du Palais présidentiel et du ministère de la Défense, avec une extraordinaire bravoure. A supposer même qu'il était déplacé de la part du président libanais d'évoquer ce sujet épineux dès le premier entretien téléphonique avec le chef du régime syrien, qui l'appelait pour le féliciter, ou lors de ses visites à Damas au cours des dix dernières années, les Libanais attendent de Michel Aoun qu'il aborde cette tragédie avec détermination au prochain coup de fil de Bachar el-Assad.
L'ancien président de la République libanaise, ancien commandant de l'armée libanaise, le général Michel Sleiman, avait promis lors de son discours d'investiture de « travailler dur pour libérer les prisonniers et détenus, et révéler le sort des personnes disparues » en Syrie. En vain. L'actuel président de la République libanaise, ancien commandant de l'armée libanaise et ancien chef du Courant patriotique libre (CPL), le général Michel Aoun, a fait savoir que « (Malgré sa disparition physique) Ghazi Aad restera présent dans sa défense des droits de tout être humain et dans sa lutte pour chaque personne disparue et absente ». Soit. Parmi ces disparus et ces absents, figurent entre autres, des soldats de l'armée libanaise qui ont fait face à l'invasion syrienne du 13 octobre 1990 du Palais présidentiel et du ministère de la Défense, avec une extraordinaire bravoure. A supposer même qu'il était déplacé de la part du président libanais d'évoquer ce sujet épineux dès le premier entretien téléphonique avec le chef du régime syrien, qui l'appelait pour le féliciter, ou lors de ses visites à Damas au cours des dix dernières années, les Libanais attendent de Michel Aoun qu'il aborde cette tragédie avec détermination au prochain coup de fil de Bachar el-Assad.
