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2.
Nous, on pleure à chaudes larmes les
innocents qui sont tombés à Beyrouth. Comme nous avons versé des larmes de
sang à la mort de nos compatriotes tombés à Tripoli il y a quelques semaines, après
l’explosion de deux voitures piégées devant deux mosquées de la ville à l’heure
de la prière. Comme nous avons également
pleuré les 150 000 Libanais morts en temps de guerre, dont deux
présidents de la République, Bachir Gemayel et René Mouawad, tous deux assassinés
par la tyrannie des Assad, en 1982 et en 1989 (un certain 22 novembre!). Mais, il est quand même étrange de
constater que le 8 Mars semble systématiquement
zapper le fait que depuis ce funeste 14 février 2005, les glandes lacrymales de
la moitié des Libanais, toujours les mêmes, sont mises à rude épreuve par les
mêmes criminels. Elles n’arrivent
plus à produire autant de larmes qu’il faudrait et qu’ils voudraient pour
pleurer leurs martyrs en tant de paix. Comme par exemple, la liste n’étant
pas exhaustive : Hachem Salman
(un opposant chiite au Hezb, tué le 9 juin 2013 devant la même ambassade
iranienne visée avant-hier, par des miliciens du Hezbollah et de l’ambassade
d’Iran ; l’ironie de l’histoire, ou plutôt la vengeance divine, a voulu
que trois de ces miliciens, qui ont réprimé à coup de bâtons la protestation
chiite du 9 juin, trouvent la mort dans ce double attentat), Wissam el-Hassan (14 Mars / Futur, tué
le 19 octobre 2012), les innocents du 7
mai 2008 (14 Mars / sunnites, tués lors de l’invasion de Beyrouth par la
milice du Hezbollah), Wissam Eid (14
Mars / sunnite, tué le 25 janvier 2008), Antoine
Ghanem (14 Mars / Kataeb, tué le 19 septembre 2007), Walid Eido (14 Mars / Futur, tué le 13 juin 2007), Pierre Gemayel (14 Mars / Kataeb, tué
le 21 novembre 2006, comme aujourd’hui !), Gebrane Tuéni (14 Mars, tué le 12 décembre 2005), Georges Haoui (14 Mars, tué le 22 juin
2005) et Samir Kassir (14 Mars, tué
le 3 juin 2005). C'est sans compter les frayeurs des tentatives d’assassinat de Samir Geagea (Forces libanaises), Boutros Harb, Elias el-Murr,
Marwan Hamadé et May Chidiac, tous du 14 Mars.
Nous
réclamons de pied ferme que les commanditaires et les exécutants de l’acte
odieux d’avant-hier soient traduits devant la justice et jugés. Nous le
demandons avec la même ardeur que nous l’avons fait pour tous les crimes
terroristes citées précédemment. Et de ce fait, nous espérons des pôles du 8 Mars, sans illusion aucune, qu’ils
agissent de la sorte quand il s’agit des assassinats de leurs adversaires
politiques. Pour faire bref, et surtout pour être concrets, nous avons attendu
et nous attendons encore du Hezbollah, la
remise au Tribunal Spécial pour le Liban des cinq accusés dans l’assassinat de
Rafic Hariri (tous membres du Hezbollah) pour que justice soit faite, loin du Liban et des arrangements à la libanaise, au moins dans
ce crime, à défaut des autres. Nous attendons aussi le feu vert politique du 8 Mars afin que la justice libanaise puisse juger Michel Samaha, ancien ministre de ce camp, qui projetait à la demande du régime syrien, commettre une vingtaine d'attentats à caractère confessionnel au Liban. Nous espérons également que le camp du 8 Mars permettra aux enquêteurs libanais d'interroger les Eid, qui auraient facilité la fuite en Syrie des criminels impliqués dans
les attentats de Tripoli.
Aujourd’hui, on peut dire avec certitude que ni Hassan Nasrallah, le leader du 8 Mars, ne s’en est occupé, et pour cause ; ni ses alliés, Michel Aoun, Nabih Berri et Walid Joumblatt, ne s’en émeuvent de ce manquement ; ni le gouvernement de Najib Mikati ne s’en est soucié réellement. Allez, bassita, longue vie aux crocodiles !
Aujourd’hui, on peut dire avec certitude que ni Hassan Nasrallah, le leader du 8 Mars, ne s’en est occupé, et pour cause ; ni ses alliés, Michel Aoun, Nabih Berri et Walid Joumblatt, ne s’en émeuvent de ce manquement ; ni le gouvernement de Najib Mikati ne s’en est soucié réellement. Allez, bassita, longue vie aux crocodiles !
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4.
Certains supporteurs du 14 Mars ont pu se
réjouir du fait que ce double attentat ait frappé le fief du Hezbollah.
C’est bien regrettable. On ne danse pas sur la tombe de ces adversaires,
surtout quand des vies innocentes ont été fauchées. En tout cas, ces quelques esprits
égarés, ne valent pas plus que les nombreux
partisans du 8 Mars qui ont fêté en grande pompe la chute de la ville Qousseir (Syrie)
dans les rues de Da7iyé (Beyrouth) en offrant des douceurs orientales aux
passants, que tous ceux qui ont tiré en
l’air à la mort de Wissam el-Hassam ou qui ont distribué des baklawas à la mort de Gebrane Tuéni. Je dirais
même plus. Cette attitude marginale est sans commune mesure avec les propos abjects du général Michel Aoun sur la « carbonisation » de l’ancien
chef des renseignements libanais quelque temps avant son assassinat en
plein cœur d’Achrafieh, et les propos infâmes
de sayyed Hassan Nasrallah, qualifiant sans vergogne, les événements tragiques du 7
mai 2008, qui ont fait près de 80 morts, de « jours glorieux ».
5. Indépendamment de l'identité des auteurs, les attentats d’avant-hier prouvent que la guerre civile libanaise continue à faire
des victimes, 38 ans après son déclenchement. Comme quoi, on sait toujours
quand une guerre commence, mais pas quand elle se termine. Ce constat s’applique aussi à la Syrie, bien évidemment. Il faudra
donc que tous les acteurs et spectateurs sur l’échiquier politico-militaire moyen-oriental
l’intègrent dans leurs agendas, notamment côté libanais, dans le camp du 8 Mars
(Hezbollah et son allié, le Courant patriotique libre), dans le camp du 14 Mars
(Courant du Futur, Kataeb et Forces libanaises) et dans le camp des genres
politiques indéterminés (Beik & Co), ainsi que du côté syrien, le régime et
les rebelles.
6.
L’attribution de ce double attentat à
Israël et à l’Arabie saoudite, est encore un de ces nombreux éléphants roses qui
encombrent l’espace aérien libanais et la boite crânienne 8-martienne, sur
lequel il est inutile de perdre son temps. Allons à quelque chose de plus
utile. Les auteurs de cet acte odieux
sont terroristes, qu’importe si la population civile était visée ou pas par
les criminels. Savoir que la cible principale des attentats était l’ambassade
de la République islamique d’Iran, ne change rien au caractère terroriste de
l’attentat. On n’attaque pas les représentations diplomatiques, pas plus qu’on
attaque les populations civiles. C’est un principe qui ne se discute pas. Ceci
dit, les terroristes de Beyrouth n’ont
rien à envier à leurs collègues de Tripoli, à leurs anciens collègues de
Da7iyé, à tout poseur de bombe et auteur d’attentat, qu’il soit à Beyrouth, Damas,
Bagdad, Madrid, Londres, Paris ou New York. Si tout se passait en vase clos
entre terroristes, on pourrait se dire : wlak fékharr yikassir ba3do, qu’ils aillent tous au diable !
Hélas, les terroristes, qu’ils soient libanais ou syriens, pour ces attentats
ou pour les autres, qu’ils soient pro-régime ou anti-régime (de Bachar
el-Assad), prennent les populations, libanaise et syrienne, comme boucliers
humains et comme boites postales. Ils ne doivent avoir droit qu’au mépris et
aux barreaux.
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-
L’échelle du bilan humain. Une étude
récente estime que 500 000 Irakiens sont morts entre 2003 et 2011, à cause
de la violence et des conséquences indirectes du conflit irakien. Depuis le
retrait des troupes américaines, il meurt jusqu’à 1 000 Irakiens par mois.
Certains jours, on compte plus de 10 attentats à Bagdad. Aucun de ces trois chiffres
n’est imaginable au Liban, malgré notre interminable tragédie.
-
Le conflit en Irak est officiellement bipolaire.
Il oppose une communauté sunnite puissante (33 % de la population) à une
communauté chiite conquérante (67 %), soutenue par le géant chiite iranien. Le 3e acteur irakien, les kurdes (20 %, sunnites), étant indépendant. Le 4e acteur, les communautés chrétiens (3 %), sont minoritaires et contraintes à
l’exil du fait des diverses persécutions dont elles ont été victimes par les
extrémistes sunnites. Au Liban, la configuration est radicalement différente.
Le conflit oppose en apparence les deux communautés musulmanes. Mais, sur le
plan démographique, celles-ci sont de poids comparables. Rajoutez à cela,
que le 3e acteur, les communautés chrétiennes, sont, quoiqu’on dise,
toujours puissantes, sur le plan démographique et politique. Bilan des courses,
le conflit libanais, est d’apparence
bipolaire, mais en réalité il est tripolaire, comme l’a révélé le débat
passionné sur la loi électorale. Et pour bien compliquer la donne, un point à double tranchant, les
communautés chrétiennes sont parties prenantes du conflit, réparties entre les
sunnites et les chiites.
-
La cohabitation communautaire, la tradition démocratique et l’ouverture de la
société restent tout de même bien plus grandes au Liban qu’en Irak, et limitent du coup, le risque d'un affrontement intermusulman à l'irakienne.
- Une plus grande efficacité des services de renseignements au Liban (de l'armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure) qu'en Irak.
- Une plus grande efficacité des services de renseignements au Liban (de l'armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure) qu'en Irak.
-
Pour une irakisation du conflit
libanais, il faut impérativement une forte montée de l’extrémisme sunnite au
Liban et son enracinement dans la communauté sunnite libanaise. Nous sommes à des années-lumière de cette
configuration comme l’ont prouvé d’une part, les élections législatives de
2005 et de 2009 (gagnées par le courant du Futur, où les islamistes n’ont eu
que des miettes), et d’autre part, le ridicule phénomène Assir, qui en dépit
des provocations du Hezbollah chiite, est resté un phénomène marginale. En
plus, al-Qaeda n’est pas du tout implanté au Liban, comme elle l’est en Irak,
au plus grand regret des forces du 8 Mars et des sunnitophobes sans frontières.
Hélas, au pays du Cèdre, on n’observe pour l'instant, qu’un seul extrémisme chiite épanoui et son enracinement en masse dans la
communauté chiite libanaise.
-
Le Hezbollah, a certainement beaucoup de défauts, mais ce n’est pas une
organisation suicidaire, même si la culture du martyre est omniprésente dans le
discours des dirigeants. Croire le contraire est particulièrement naïf.
Al-Qaeda, non seulement elle l’est, mais elle a de surcroit un fonctionnement
archaïque par rapport au Hezbollah. De ce fait, il est certain que la milice chiite ne se lancera pas dans une
guerre suicidaire à l’irakienne, par bombes interposées. Elle trouvera
d’autres moyens de répliquer aux nouvelles menaces.
8.
Les crimes d’aujourd’hui nous rappellent amèrement que lorsque les services de l’Etat dorment, les terroristes dansent.
Concrètement, tant qu’on ne déploiera
pas l’armée libanaise à la frontière avec la Syrie, rien n’empêchera les
trafics d’armes, d’hommes, et même d’organes (une honte !), entre les
deux pays, avec toutes les conséquences qui en découlent, comme les attentats
de Beyrouth et de Tripoli. On peut affirmer aussi, tant que la nomination du chef des Forces de sécurité intérieure (FSI)
n’a qu’un objectif, mettre à l’abri des regards les agissements illégaux et criminels
du Hezbollah, les Libanais, avec la communauté chiite
comprise, ne dormiront pas sur leurs deux oreilles. On peut dire également, tant que le ministre des Télécoms, Nicolas
Sehnaoui (ministre d’Aoun), ne fournira pas illico presto, sans
tergiversation et sans état d’âme, les données des télécommunications aux
services des renseignements des FSI, après chaque attentat, chaque assassinat
et chaque tentative d’assassinat, les réseaux criminels prospéreront au pays du
Cèdre. Et les formulations de ce genre se conjuguent à l’infini.

10. Qui a vraiment versé des larmes de sang, et non de crocodile, sur les morts du double attentat de Beyrouth, doit réclamer haut et fort deux choses : le contrôle immédiat de la frontière syro-libanaise et la distanciation du Liban de l'interminable conflit syrien. Pour l'instant, nous avons tout le contraire. Il est évident, que dans l'intérêt du peuple libanais tout entier, Hassan Nasrallah et Michel Aoun doivent renoncer à leur stratégie guerrière basée sur la libre circulation des hommes et des armes entre le Liban et la Syrie, ainsi que sur l'engagement de la milice chiite dans « une guerre préventive contre tous les takfiristes » de Syrie et de toute la Voie lactée, aux côtés de Bachar el-Assad, avec un risque d'enlisement prévisible ! Sinon, « à la prochaine » s’impose d’elle-même, dans son double sens.